ELECTRONIC AND TEMPORAL WRITING

by SASHA J. BLONDEAU - 2017

Composition et temps-réel

Le suivi de partition a très certainement renouvelé l’apport du temps-réel à la composition. Cet apport ne se restreint pas à une juste synchronisation entre une machine et un interprète. Les systèmes temps réel et les langages synchrones amènent aujourd’hui une ouverture extrêmement large aux possibilités d’écriture de l’électronique ainsi qu’une nouvelle expressivité en terme d’écriture du temps.

Parmi ces nouvelles possibilités, les temps multiples et le principe de polyphonie temporelle, l’usage de processus informatiques pour réaliser des processus musicaux complexes et la question du phrasé en électronique.

Les langages synchrones et temporisés développés à l’Ircam dans le cadre du projet MuTant par Arshia Cont, Jean-Louis Giavitto, Philippe Cuvillier et José Echeveste, permettent d'imaginer de nouvelles écritures du temps

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La question des temps multiples

"Le temps est invention, ou il n’est rien du tout."

Certains paradigmes naissants du temps-réel nous amène à revisiter (nous en verrons quelques exemples) certains principes compositionnels. Il s’agit de voir les possibilités d’interactions entre chaque voix (qu’elles soient électroniques ou instrumentales) et leurs conséquences sur une écriture polyphonique de l’électronique intégrant la dimension temporelle.

Lorsque l’on parle de musique mixte et de temps réel, plusieurs types de temps entrent en jeu. Les deux plus évidents sont ceux de l’interprète et de la machine. Tout le jeu interprétatif consiste en de subtiles variations de nuances et de tempo permettant d’appuyer un phrasé, marquer le relief d’une phrase ou interpréter des variations locales de tempi inscrits sur la partition (ralentis, accélérés, etc.). La machine quant à elle évoluait à l’origine à tempo fixe, suivant le « temps du déclenchement » échantillonné par l’horloge physique. Mais grâce aux évolutions des suiveurs de partition et notamment à la machine d’écoute d’Antescofo, il est désormais possible d’accorder le tempo de la machine à celui de l’interprète.

Dont acte, les temps de l’interprète et de la machine sont désormais coordonnés. Mais quelles nouveautés offrent alors un suiveur de partition en terme d’écriture du temps et notamment en terme de polyphonie temporelle ? A quels besoins peuvent répondre les outils et paradigmes des langages de programmation pour le temps réel ?

Variations locales de tempo

En composition, il est nécessaire de travailler à des échelles différentes, comportant éventuellement chacune leur temps propre et liées entre elles par des exigences compositionnelles. Cette nécessité devient impérieuse si l’on souhaite que la partie électronique et ses interactions avec l’interprète dans le cadre d’une pièce mixte, aient la même souplesse que l’écriture instrumentale.

Dans un outils comme Antescofo, il est possible d’attacher à un groupe d’actions atomiques, à un processus ou tout autres évènements électronique, un tempo qui lui est propre et qui peut évoluer dynamiquement, notamment en évoluant vers le tempo de l’interprète (variable $RT_TEMPO dans Antescofo) ou en s’en éloignant.

Dans l’exemple présenté ci-dessous, le tempo local du groupe « SpatTutti » est contrôlé par une courbe contenant des variations autour de la variable $RT_TEMPO (tempo en cours de l’interprète). Nous aurions pu tout autant avoir une courbe ne contenant que des tempi fixes. Le groupe aurait alors été, en terme de tempo, totalement indépendant du jeu, et donc du temps de l’interprète.

Cet exemple montre qu’il est possible de faire coexister des voix dont les temps évoluent plus ou moins indépendamment les uns des autres mais également de composer des variations temporelles fines à l’intérieur d’une même phrase musicale. En terme de composition, cela nous amènera à réfléchir à la notation de ce type de procédé.

 L’écriture de variations de tempo est ici assez souple. Le compositeur se heurte cependant à des difficultés d’ordre notationnel qui mettent en évidence des problèmes de sémantique musicale. Dans le cas de variations de tempo complexes et agissant sur plusieurs groupes en parallèle, il devient difficile de se figurer de façon rapide et claire les points de synchronisation communs aux autres couches temporelles (celle de l’interprète ou celles des autres strates électroniques). Les temps de chaque groupe étant tous écrits en temps relatif (ce qui est extrêmement pratique durant la composition) et leurs évolutions de tempo déterminées par une courbe extérieures, leur déclaration se fait alors de façon totalement symbolique et la représentation graphique actuelle ne permet pas une visualisation réelle des évolutions temporelles de chaque groupe. La puissance du langage symbolique est ici contrebalancée par la nécessité de pouvoir se faire une représentation mentale claire du contrepoint temporel en cours de conception. Ce problème doit être résolu si l’on veut atteindre une souplesse d’écriture qui nous permette d’agir en pleine conscience des corrélations temporelles existantes entre deux ou plusieurs strates temporelles. Nous pourrions alors tendre vers une véritable écriture temporelle contrapuntique.

 

Types temporels et implications compositionnelles

« Mais dans le mouvement infini de la ressemblance dégradée, de copie en copie,

nous atteignons à ce point où tout change de nature, où la copie elle-même se renverse en simulacre,

où la ressemblance enfin, l’imitation spirituelle, fait place à la répétition. »

Gilles Deleuze, Différence et répétition

 Les diverses manières de parler du temps entraînent avec elles des utilisations musicales particulières. La possibilité d’exprimer notamment le temps en valeurs absolues ou relatives implique la spécification d’une certaine souplesse ou au contraire d’une raideur vis-à-vis de l’interprète. Mais, plus que cela, il existe des actions (boucles, processus récursifs ou non…) dont la nature même change la manière de concevoir le temps lorsqu’on les utilise.

 L’utilisation de boucles (dont le tempo peut être contrôlé depuis l’extérieur) dans lesquelles la manière de sortir de celles-ci peut être spécifiée et dont les variables peuvent évoluer dynamiquement au cours du temps (fig. suivante) amène une notion hybride de temps cyclique séquencé permettant d’échapper à l’écriture, souvent triviale, de boucles identiques répétées ad nauseam. Le temps y est certes cyclique, mais l’altération progressive des répétitions entraîne avec elle la mutation, voir l’implosion, de la périodicité.

 

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On pourra obtenir une large palette de « rapports à l’extérieur » allant du plus rigide, avançant en cercle fermé dans son propre tempo, au plus souple, ajustant en permanence son tempo et recevant des variables extérieures venant constamment altérer son état.

 Les groupes d’actions peuvent avoir cette même palette de dépendances temporelles mais évoluent en revanche dans un temps rigoureusement séquentiel. On verra par la suite que le type de synchronisation d’un groupe influera largement la souplesse de son temps. On jouera donc à la fois sur les paramètres de tempo et de synchronisation pour arriver à une souplesse de jeu définie spécialement pour des raisons musicales.

 Un certain nombre d’actions conditionnelles (comme le « if » ou le « whenever » en Antescofo) soulèvent la question du « hors-temps », leurs actions respectives n’étant déclenchées que dans la mesure où une certaine condition serait respectée. Cela engendre un type de composition particulier qui comme on peut l’imaginer se prête particulièrement bien aux œuvres ouvertes, mais pas seulement. Nous le verrons plus loin, ces actions impliquent une sorte de composition d’ordre supérieur, se plaçant alors en « surimpression » de la partition. Elles impliquent une certaine logique temporelle qui suppose une écriture de haut-niveau (au sens informatique du terme) et la désignation d’éléments d’ordre éminemment formel (au sens musical).

 

.Ecriture polyphonique, liaisons et interactions entre couches temporelles

L’exemple de la figure suivante montre un processus dont les variables $x et $y correspondent à des observations sur l’interprète au cours du temps (hauteurs, mode de jeu, amplitude…) et dont le tempo, dès l’instant où le processus s’enclenche, démarrera au tempo du musicien pour augmenter au fur et à mesure de l’avancement du temps (spécifié par l’expression : $rt_tempo+(($now-$initProc)*0.5)).

  Cet exemple sommaire montre les possibilités d’interactions qui peuvent être mise-en-œuvre dans la composition de processus évoluant parallèlement à l’interprète mais prenant en compte son avancement temporel et s’altérant par son intervention sur certaines variables. Nous pourrons donc imaginer des entrelacs temporels dont les maillages seront plus ou moins interconnectés entre eux et à l’intérieur desquels l’interprète agira et évoluera, de manière plus ou moins souple...

Processus et notions formelles : une extension de la partition virtuelle

 L’expressivité temporelle permise par les langages temps réel synchrones rend possible la composition de processus musicaux complexes ne se limitant pas au passage d’un état A à un état B. Nous pourrons désormais imaginer composer des processus interagissant dynamiquement avec l’interprète tout en ayant leur propre indépendance et bénéficiant de la puissance de vrais langages de programmation (récursivité, macros, processus, itérations parallèles…) . Ce type d’écriture pourra nous amener à repenser certains principes formels et pourrait nous permettre de composer des structures allant du micro au macro-temporel, donnant par cela une extension à la notion de « partition virtuelle ». La description d’évènements musicaux non directement décrits dans la partition au sens classique permettrait, grâce à des paradigmes de plus haut-niveau, d’envisager l’écriture d’éléments d’ordre formel.

 Comme on l’a vu ci-dessus, les actions conditionnelles permettent de concevoir des processus de plus haut-niveau que la partition « classique ». Peut-on dans ces conditions imaginer une partition latente, surplombant celle, plus classique, de l’interprète et agissant comme marqueur formel, délimitant par cela les régions d’un même territoire ? L’électronique aurait alors vocation à devenir, outre ses autres fonctions, une maïeutique de la forme.

Nachleben,

pour soprano, baryton, percussions et live electronics

De la synchronisation à l’interprétation : phrasé et électronique

 Dans le cadre de sa thèse (Paris VI), José Echeveste a développé plusieurs stratégies de synchronisation dans Antescofo qui offrent les possibilités les plus complètes d’alignement de l’électronique au jeu du musicien. On pourrait être amené à penser la question de la synchronisation comme une question triviale d’un point de vue musical. Hors, le choix du type de synchronisation s’avère déterminant à l’écoute. Notre hypothèse est que le choix du type de synchronisation (qui peut changer à tout moment dans la partition selon les cas de figure) amène pour la première fois au compositeur la possibilité d’insuffler à l’électronique des données d’ordre interprétative.

 Lorsque nous parlerons de synchronisation, il s’agira donc davantage d’approcher la notion de phrasé qui, si elle a été relativement peu présente en électronique ou en musique mixte, pourrait s’avérer déterminante à l’avenir. Elle amènera avec elle une position particulière de l’écriture, à la frontière entre composition et interprétation.

A priori, deux types principaux de synchronisation permettent de varier la souplesse de réponse de l’électronique vis à vis du jeu de l’interprète, de ses éventuelles erreurs ou de celles de la machine d’écoute : une synchronisation sur le tempo (synchronisation « loose » en Antescofo) ou sur les évènements musicaux (synchronisation « tight »). Mais un 3ème type de synchronisation est possible et se décline en deux principales branches pouvant se combiner aux deux précédentes, le mode target qui est soit statique, soit dynamique (voir la  fig. 9). Dans le mode statique, la machine tente par tout les moyens de se synchroniser sur une note cible, les synchronisations sur les notes précédentes pouvant alors être plus floues. Le mode dynamique permet de se synchroniser tout les n évènements et permet donc une synchronisation à la fois souple et précise du suivi.

 Face à cette combinatoire, le compositeur doit alors expérimenter (car c’est une pratique !) les divers types de combinaisons de synchronisation afin de donner à l’électronique des espaces plus ou moins fluents, combinés à des points de synchronisation pouvant devenir extrêmement précis (le système étant capable, en fonction du tempo courant de l’interprète, de prévoir et d'anticiper le moment où il arrivera « à destination »). Il peut également choisir d’avoir à certains moments une électronique très rigide, et lui donner par cela « l’ascendant » sur l’instrumentiste.

 On a donc ici une position hybride, entre composition et spécifications d’interprétation, dans laquelle le type de synchronisation permet d’approcher un réel travail de musique de chambre, avec les choix compositionnels qu’il nécessite. Nous développerons donc cet aspect de recherche qui demande une pratique importante pour en apprécier les subtilités et pouvoir anticiper le type de synchronisation le plus adéquat pour tel ou tel type d’écriture électronique.

 Si l’on combine la spécification du type de synchronisation et la possibilité de moduler localement le tempo d’un groupe d’actions électroniques, nous pensons qu’il est alors réellement possible d’exprimer un phrasé électronique, avec toutes les fluctuations, accentuations et nuances qu’il sous-entend. Cette question nous semble être un enjeu essentiel, dans la quête d’une écriture pleine et entière de l’électronique. Elle est également fondamentale pour la composition d’une certaine qualité de temps à l’échelle locale.

NOTATION ET ÉLECTRONIQUE

 Les éléments dont nous avons parlé jusqu’ici engagent un besoin de représentation. Ils mettent en évidence la prolifération des paramètres à exprimer et impliquent à notre avis une réappréciation de ce que dois être aujourd’hui une partition de musique mixte.

 La multiplication des paramètres implique à la fois une notation précise à l’intérieur des outils qui les emploient et le choix d’une représentation synthétique à même de résumer l’essentiel de l’identité musicale impliquée par l’utilisation de ces paramètres dans la partition. Il faut donc se poser la question des manières d’organiser, de noter un matériau qui demande autant de spécifications. La question de l’organisation du matériau rencontre ici celle de la notation. Celle-ci relève alors du choix compositionnel (telle prise de décision musicale étant susceptible d’impliquer telle ou telle notation) et non plus seulement d’un support représentatif neutre. Elle est aussi un système d’interprétation non uniquement destiné à l’instrumentiste. Dans le cas particulier de la musique mixte ou de la musique électroacoustique, la question de l’interprétation d’une partition implique alors de poser la question de sa représentation : que représente-t-on et pour quel « interprète » (humain, non humain) ?

Partition de composition, de réalisation et d’interprétation

 Les nécessités de représentation diffèrent donc, selon que l’on se place du point de vue de la composition, de la réalisation ou de l’interprétation. Il faut alors adapter les représentations en conséquence et nous pensons qu’il serait judicieux de dissocier les types de partitions : partition de composition, de réalisation et d’interprétation.

 La partition de composition est le lieu de la pensée et de l’élaboration musicale dans lequel le degré d’expressivité de la notation est le plus déterminant. La notation doit ici représenter un réel tremplin pour l’imaginaire.

 La partition de réalisation est quant à elle la plus précise, contenant toutes les informations nécessaires à l’élaboration finale de l’œuvre musicale. Cette partition est la plus exposée au problème de la prolifération des paramètres. La partition peut rapidement devenir illisible selon le degré d’hétérogénéité des éléments électroniques utilisés. La partition électronique finale peut avoir cela d’étrange qu’elle ne représente pas forcément un résultat sonore mais plutôt la manière de le produire. On trouve cependant ce type de démarche dans le monde purement instrumental, chez Lachenmann notamment.

 La partition d’interprétation, destinée à l’interprète, indique les éléments les plus essentiels et permettent de ce fait un vrai travail de musique de chambre, lui indiquant par exemple les points de synchronisation et les zones plus floues avec lesquelles il peut jouer.

  Expressivité de la notation

 Le terme d’expressivité est utilisée en informatique pour désigner la capacité d’un langage à exprimer un grand nombre d’algorithmes succinctement et directement. Nous reprenons cette notion d’expressivité pour la transposer dans le domaine de la notation et tenter d’estimer si un type de représentation est plus ou moins adapté à l’expression d’une pensée musicale. Il ne s’agit pas de trouver un langage universel et commun à tous les compositeurs mais d’intégrer au choix de la représentation graphique et symbolique la question de son expressivité. Est-ce qu’une notation est plus expressive lorsqu’elle est symbolique ou lorsqu’elle est au plus près de sa « réalité acoustique » ?

 Dans le cas d'une partition de composition, la notation symbolique sera souvent la plus efficace. Mais nous verrons que certaines représentations, en particulier celle « d’hétérogénéités temporelles » s’avèrent complexes à mettre en œuvre et sont encore aujourd’hui très peu développées. Dans une partition d’interprétation en revanche, une notation proche d’une certaine réalité acoustique sera plus justifiée.

 Nous pouvons ici faire un parallèle avec les différences de styles de programmation en informatique. Un langage impératif ou procédural est focalisé sur l’état d’un programme ainsi que les fonctions et actions à réaliser pour obtenir un certain résultat. Un langage déclaratif se focalise davantage sur la spécification du résultat attendu et non sur la manière dont le calcul devra être réalisé. On a ici un lien direct avec nos concepts de partition de composition et de réalisation. La partition de composition s’exprimant généralement dans un domaine déclaratif quand la partition de réalisation s’établit elle dans un style de langage plus impératif.

 Si les deux styles de programmation (et également ici de notation) peuvent amener à un même résultat, le choix de l’utilisation de l’un ou de l’autre est lié à l’expressivité du langage, adapté au contexte dans lequel il s’inscrit.

Discret et continu, « en temps » et « hors-temps »

 La musique électroacoustique et a fortiori la musique mixte impliquent des notations capables de représenter des éléments continus et discontinus. Lorsqu’il faut les intégrer dans un même espace, l’entreprise peut s’avérer périlleuse. Dans l’exemple de la figure ci-dessous, on voit la représentation graphique d’une partition électronique (actions déclenchées en temps réel ici) dans le logiciel AscoGraph (interface graphique d’Antescofo). Il y a dans cet exemple, entremêlées dans un même espace, des données d’ordre discret (les actions atomiques) et d’ordre continu (les courbes). La représentation s’avère être peu lisible par la profusion et l’hétérogénéité du type de représentation.

 Si l’on veut pourtant voir les parallélismes, les points de synchronisation, la représentation graphique est indispensable. Il faudra donc voir comment améliorer cette représentation, quitte à ce qu’il y en ait plusieurs, en adéquation avec nos différents types de partition. Il émerge d’ores et déjà des solutions comme la représentation de voix (tracks) dans lesquels le compositeur choisira ce qu’il convient d’y mettre pour séparer par exemple chaque voix d’une même polyphonie.

 Un problème récurrent dans les systèmes de notation est celui de la notation des temps multiples. Les modulations dynamiques temporelles n’y apparaissent généralement pas et l’ensemble des actions (discrètes ou continues) sont représentées comme « à plat », en temps relatif et sur un tempo fixe. La vision donnée au compositeur est alors totalement faussée. Il faudra de ce fait s’atteler à la représentation des temps multiples pour pouvoir atteindre la finesse d’écriture temporelle à laquelle nous aspirons.

 La question de la représentation des processus « hors-temps », déclenchés dynamiquement et évoluant selon des variables extérieures, exige l’invention de nouveaux types de notation, pouvant éventuellement devenir dynamiques. Dans ces cas précis de processus hors-temps ou de temps multiples, la notation deviendrait alors support d’aide à la composition, foyer d’une pensée musicale se construisant au fil du temps.

 

« Sous la métaphore du code, il y a au moins une obsession unificatrice : la dialectique entre loi et créativité,

ou — pour reprendre les termes d’Apollinaire — la lutte constante entre l’Ordre et l’Aventure. »

Umberto Eco, Sémiotique et philosophie du langage.

AU-delà de la rétroaction...

L'un des reproches que l'on peut faire à l'électronique dans le contexte d'une musique mixte utilisant le temps-réel est qu'elle peut rapidement devenir une figuration triviale d'un rapport unilatéral et exclusivement causal. Autrement dit, l'électronique, liée en permanence au jeu du musicien, n'en devient qu'un accompagnement souple, intelligent dans son suivi mais peu dans son discours. Le problème est ici exclusivement compositionnel. Certaines pièces, dans leur utilisation du temps réel, réduisent leur partie électronique à un aspect purement cosmétique. La plus ou moins grande complexité technologique accouche alors ici d'effets dont la fonction ressemble davantage à l'utilisation de la pédale chez le pianiste débutant. L'écriture électronique est, dans ces cas là, évidemment assez grossière. Elle l'est dans son rapport unilatéral vis-à-vis du ou des interprètes mais aussi dans sa conception de l'électronique en elle-même, devenue simple productrice de son venant couvrir les éventuels vides de l'écriture instrumentale.

Nous ne polémiquerons pas davantage sur cette question. Nous souhaitons ici mettre en avant la conviction qu'il est désormais possible d'atteindre la même richesse d'écriture dans la partie électronique que dans la partie instrumentale. Les différentes possibilités d'écritures temporelles et de synchronisations peuvent nous permettre d'écrire des "voix" électroniques pouvant jouer avec un interprète humain mais n'en étant pas  pour autant la simple conséquence. Cela implique, pour les compositeurs, une connaissance profonde des langages et des outils qu'ils voudront utiliser.

La question de l'écriture de l'électronique n'a pas attendu le temps-réel pour être posée. Elle était déjà présente dans les premières pièces mixtes, on pense évidemment aux pièces de Stockhausen. Mais cette question doit être remise sur l'établi encore davantage aujourd'hui où les outils de type "prêt-à-composer" fleurissent de toutes parts. La richesse d'écriture, de l'électronique en elle-même et des rapports qu'elle entretient avec un ou plusieurs interprètes, ne viendra qu'avec la volonté sincère d'inscrire sa conception et sa réalisation à l'intérieur même de l'espace compositionnel. Dépasser l'utilisation consumériste pour arriver à une utilisation des technologies qui, par leur singularisation, soient intrinsèquement insérées dans le projet compositionnel.

 

Poser le problème de la notation s'avère ici crucial et sa résolution, si elle reste encore personnelle à chaque compositeur, reste certainement la seule barrière qui puisse encore limiter la pleine créativité du compositeur.

EXEMPLES DANS "TESLA, ou l'effet d'étrangeté"

 

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